Aller au menu principal Aller au menu des réseaux sociaux Aller au contenu principal
Photo 1 : La conservatrice Carole Marquet-Morelle présente le buste en 3D du général Morin dont le tableau original figure accroché au mur au-dessus.
Commentaire de la photo : Cette sculpture en 3D fait partie de la douzaine d’œuvres sélectionnées par Carole Marquet-Morelle, conservatrice du musée de l’Ardenne, et son adjointe Béatrice Gonel.
Photo 2 : Deux personnes déficientes visuelles découvrent les portrait de Rimbaud de Fernand Léger et de Pablo Picasso. Les originaux sont au-dessus sur le mur.
Commentaire de la photo : L’exposition a été conçue en lien avec un groupe de non et malvoyants, y compris pour trouver, par exemple, la bonne inclinaison des œuvres.
Quand j’ai touché le Sisley, j’ai découvert un paysage. Quand j’ai touché les arbres, ce qu’était le pointillisme », témoigne Michel. Il fait partie du groupe de huit non et malvoyants à avoir activement collaboré à l’exposition de douze répliques en 3D de tableaux, qui seront présentées à partir du 9 juin au musée de l’Ardenne, à Charleville-Mézières (08). Les tableaux tactiles, façon bas-reliefs, « cela existait déjà. Mais là, il s’agit de véritables sculptures. C’est complètement novateur car cela ne peut être réalisé qu’en 3D », explique Carole Marquet-Morelle, conservatrice du musée carolomacérien. Les œuvres présentées ont, en outre, été particulièrement choisies car, par la suite, « l’expo sera itinérante », ajoute Lucille Pennel, directrice du musée Rimbaud. Lequel a notamment prêté des portraits du poète dont Charleville-Mézières est la cité natale signés Picasso et Fernand Léger. Le musée de l’Ardenne aligne, lui, Alfred Sisley, Fantin Latour, JeanLouis Forain… Ou encore l’un des grands peintres ardennais contemporains, Simon Cocu. Sur son tableau, une forge industrielle ravive les souvenirs de Madeleine dont le grand père travaillait au laminoir. « Quand on est devant la forge, c’est suffisant pour voir qu’elle brûle. Quand on touche la reproduction, on touche tous les détails, jusqu’aux picots », s'enthousiasme-t’elle, elle qui « y voit encore un peu ». L’exposition est aussi « un travail sur la réminiscence. Pour les non et malvoyants qui ne le sont pas de naissance, toute l’émotion va naître du souvenir », complète Carole Marquet-Morelle. « C’est regarder un tableau au mur, mais sans les yeux », résume Joël, sensible à la lumière.
L’existence même de cette exposition est, en soi, un chef d’œuvre l’orchestration, commencé il y a près de deux ans. D’abord parce qu’elle comporte aussi un volet étude sur « l’émotion tactile », rapporte Claude Chaillie, présidente de l’association Lire Aussi. « Face à l’art, qu’est ce qui suscite de l’émotion ? Le tableau ? La visite ? » L’interrogation intègre la recherche méthodologique menée par la sociologue Karine Lan et l’informaticienne Inès Di Loreto de l’Université de technologie de Troyes (UTT). Le groupe de malvoyants du SAVS sensoriel (service d’accompagnement à la vie sociale) de l’institut Michel Fandre de Reims a, sous la houlette de Frédérique Réa, testé et validé chaque étape de la conception. Exemple ? Ils ont conseillé les menuisiers de la Ville de Charleville-Mézières pour la réalisation du mobilier : la bonne hauteur, la bonne inclinaison…
Ensuite, l’exposition a été rendue possible grâce à une prouesse technologique : à partir du fichier d’impression créé par un administrateur de l’association pour aveugles et malvoyants Valentin Haüy, le très pointu Institut de formation technique supérieur (IFTS) de Charleville-Mézières a réalisé le fraisage numérique (lire ci-contre).
Moyennant quoi, la visite ne se limite pas à l’expérience tactile versus tableaux originaux. « Ce n’est pas une exposition pour les malvoyants, mais avec les malvoyants, et pour tous », insiste Carole Marquet-Morel le. Elle s’accompagne de commentaires écrits et d’audiodescription. « L’idée a été de traiter les choses globalement. La peinture, la musique, le texte sont très interdépendants. L’image tactile sans commentaire, c’est exactement comme quand on va au musée sans guide. Il faut une médiation présentielle », précise-t’elle. Les choix musicaux ont été élaborés avec Sylvie Deliège, professeur du conservatoire de Charleville-Mézières où elle enseigne aussi le braille musical. Chopin accompagne le Sisley, Piazzolla le Picasso… « C’est comme si on nous demandait de reproduire un tableau à partir d’une mélodie », conclut Fabrice.
Lieu d’exposition: Musée de l’Ardenne, place Ducale à Charleville-Mézières (08), du 9 juin au 16 septembre. www.charlevillemezieres.fr
« Si on ne fait pas sortir le personnage d’un tableau, il n’y a pas de compréhension possible », relève Rémy Closset. Ce Belge, ancien architecte devenu déficient visuel, a « sculpté » les tableaux sur son ordinateur. Autrement dit, il les a mis en relief grâce à la modélisation en 3D. Installé en France, administrateur bénévole de l’association nationale Valentin Haüy, il est notamment l’auteur d’une sculpture, « Le clavier braille », au parc de la Tête d’Or à Lyon. Et travaille aujourd’hui avec seize musées européens. Rémy Closset a ainsi signé la maquette tactile du musée des Confluences dans la capitale des Gaules, a sous le coude la maquette du Centre Pompidou de Metz… Des travaux menés en collaboration avec l’Institut de formation technique supérieur (IFTS) de Charleville-Mézières.
Photo 3 : Bas-relief et original du portrait de Rimbaud par Fernand Léger avec la mention suivante :
Le portrait signé Fernand Léger prend du volume et s’inscrit dans l’espace.
Photo 4 : La machine à fraiser au travail avec le commentaire suivant.
Chacun des tableaux tactiles a nécessité plus de 40 à 50 heures de travail. Sous-entendu travail de fabrication machine. La modélisation a pris une centaine d’heure par tableau.